Psicoanálisis y Estado

Main basse sur la psychothérapie

Marie-Hélène Brousse

Lettre Mensuelle de l’Ecole de la Cause freudienne
Supplément au numéro 223, décembre 2003

L’idée de devoir réglementer les psychothérapies est présente en Enrope depuis plusieurs années. L’Italie a été une des premières nations à la concrétiser, d’autres pays ont légiféré de différentes façons ces pratiques. Ce souci européen tient à l’ampleur qu’a pris le phénomène en tant que marché, à l’impressionnante diversité des psychothérapies et à l’exigence de protéger l’utilisateur à une époque où plusieurs catastrophes sanitaires ont fait de la sécurité un facteur essentiel en politique.

Chaque solution juridique du problème porte les traits singuliers du pays qui l’invente. En octobre dernier, l’Assemblée nationale a voté un projet de loi relatif à la politique de santé publique, dans lequel l’article 18 quarter, présenté et défendu par le député M. Bernard Accoyer, constitue le premier pas de la solution à la française. Ce texte présente une particularité : il définit le psychothérapeute sans définir ce que sont la ou les psychothérapies. «  Les différentes catégories de psychothérapies sont fixées par décret du ministre chargé de la santé. Leur mise en œuvre ne peut relever que de médecins psychiatres ou de médecins et de psychologues ayant les qualifications professionnelles requises fixées par ce même décret ». Sont psychothérapeute, les médecins psychiatres, les médecins et les psychologues. Ils le sont en vertu de leur formation initiale, qui n’inclut aucune formation en psychothérapie, de quelque ordre qu’elle soit. La loi en l’occurrence ne s’appuie pas sur les psychothérapies, déjà largement répertoriées dans l’espace juridique européen, pour préciser leur mise en œuvre. Elle décide de qui a le droit de pratiquer la psychothérapie, avant de préciser quelles sont les qualifications professionnelles qui seront requises de ceux auxquels elles donnent déjà la droit de la pratiquer.

 

La solution choisie par l’Italie

Pour rendre clair notre propos, prenons la solution italienne. L’état et la représentation nationale, animés du même louable souci que le Dr Accoyer, y ont pris les dispositions suivantes : est psychothérapeute celui qui a accompli le cursus de psychothérapie de son choix, dispensé par des instituts de formation professionnelle agréés par l’État - et respectant dans l’organisation de la formation le cadre fixé par la loi. Pour avoir le droit de suivre ces formations, une formation universitaire initiale de médecin ou de psychologue est requise.

La démarche est logique : avant la mise en application de la loi qui articule un titre à une formation post-universitaire, les législateurs ont rencontré les différentes institutions qui demandaient l’agrément, ont débattu avec leurs représentants de leur discipline, de leurs moyens et objectifs de formation. C’est en fonction de cette étude que les agréments ont été ou non donnés.

En France, on aurait la psychothérapie infuse. Les études de médecine, de psychiatrie, et dans une large mesure de psychologie, ne comportent aucune formation initiale sérieuse en ce domaine. En témoigne l’afflux de médecins, de psychiatres et de jeunes psychologues dans les formations de clinique et de psychanalyse appliquée à la thérapeutique que nous dispensons depuis plus de vingt-cinq ans dans le secteur associatif. Ils constatent que leur bagage universitaire ne leur permet de faire face ni à la demande des institutions de soin, ni à celle des patients, de même qu’elle ne leur donne aucun outil sérieux pour conduire les cures. Comment expliquer alors un texte qui tourne le dos non seulement à la logique mais aussi aux réalités les plus évidentes du terrain ?

L’amendement Accoyer n’est, semble-t-il, pas sans lien avec le rapport Cléry-Melin qui envisage de donner à un psychiatre la fonction de répartir les patients à des psychothérapeutes listés. La solution française porte donc deux traits : le maintien du pouvoir médical sur un phénomène qu’il a cependant longtemps choisi d’ignorer et auquel sa formation ne le prépare absolument pas et l’utilisation de la loi pour transformer un marché en monopole corporatiste. Les médecins et les psychologues, nombreux, qui exercent aujourd’hui la psychothérapie ne doivent pas leur formation au groupe de pression médical ni à l’université mais au choix qu’ils ont fait personnellement de se former. La solution italienne, même si elle comporte des faiblesses, est plus ouverte, plus libérale et en tant que telle laisse plus de place à l’innovation, tout en assurant aux patients les garanties auxquelles ils ont droit.

La solution française est étatique, autoritaire tant pour les patients - répartis en catégories purement statistiques, sans possibilité de choisir leur thérapeute - que pour les psys. Elle néglige les phénomènes de transfert dont les recherches médicales les plus sérieuses ont mis en évidence l’incidence sur l’efficacité des traitements. Ce choix, s’il doit se confirmer, est grave. Nul doute que les psychothérapeutes ne doivent faire mieux connaître leurs disciplines, leurs formations, les résultats de leurs recherches et leur orientation éthique, au public, au niveau européen s’il le faut. Il s’agit de dépasser la perspective passéiste qui vaut en France sur les nouveaux symptômes psychiques du sujet de la modernité. La tradition médicale, si forte à l’Assemblée nationale, pense pouvoir les ramener aux symptômes organiques pour lesquelles, grâce à la science, elle est compétente. Elle justifie par cette compétence acquise dans un domaine délimité une volonté d’hégémonie hors de son champ d’application. En ce qui concerne la psychanalyse appliquée à la thérapeutique, les processus de formation, d’évaluation, ainsi que les conditions et les objectifs de la pratique ont été portés, par des publications, à la connaissance du public, qui assiste d’ailleurs en grand nombre aux colloques et aux enseignements organisés par les différentes associations.

Il ne suffit en effet pas d’une formation universitaire initiale, par ailleurs requise, pour prétendre être psychanalyste. Une cure ainsi qu’une solide formation de clinique analytique est nécessaire. Des lieux de formation, de contrôle et de recherche dans la discipline existent. La psychanalyse ne saurait se soumettre au diktat et au contrôle de personnes, qui, faute de compétence dans cette discipline, utiliserait leur pouvoir institutionnel pour faire main basse sur un marché, se posant en protecteur du public d’un danger qu’eux-mêmes constituent.

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